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Ma vie ne regarde que moi
18 février 2020

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À dix sept ans je n’éprouvais pas encore le sentiment qui plus tard me rendit l’écriture de moins en moins nécessaire que tout avait déjà été écrit quelque part, qu’il suffisait de lire suffisamment d’ouvrages d’écrivains antérieurs pour se rendre compte que l’écriture que je croyais inventer ainsi que les pensées, réflexions et anecdotes que je pouvais avoir à rapporter étaient déjà là, dans tel ou tel roman antérieur, qu’il aurait suffi de découper ces écrits en fragments suffisamment courts, pour en les rassemblant ensuite aléatoirement, produire de nouvelles œuvres qui auraient paru originales. Un centon généralisé et homogénéisé de la littérature mondiale. Est-ce pour cela que j’aime les récits qui ne s’achèvent pas, refuser cette trajectoire inéluctable du temps dans laquelle l’homme est englué, rester dans une suspension de la lecture. Il m’arrive ainsi souvent aujourd’hui de lire en même temps, alternant leurs pages trois ou quatre romans différents, désireux d’en gommer les anecdotes qui me semblent toujours, à quelques variantes près de topologie et de nomination, sans originalité, uniquement occupé du chant de la langue qui, au fond, dans son abstraction absolue, nous rapprochant du mystère de son pouvoir, me semble le seul intérêt que nous puissions trouver aux écrits dans nos langues. Aussi, j’aime bien l'idée que mes pages que Marc Hodges place dans un de ses blogs (http://sensdelavie.canalblog.com/archives/maurice_roman/index.html) ne soient, pour l'essentiel, atteinte — et parfois lues — que par hasard. La littérature raisonnée m'ennuie et je commence rarement un livre, que je ne lis pas souvent jusqu'au bout, par sa première page. Il arrive assez souvent que dans un roman que je lis se trouve une phrase, un paragraphe sublime et que tout le reste soit sans intérêt. D’ailleurs combien, dans ma vie, ai-je lu de livres du début à la fin. Autant que je m’en souvienne, très peu.

Comment ne pas se rendre à l’évidence ? Écrire n’est qu’une forme particulière de mendicité. L’écrivain quémande de l’amour, les moins sincères se contentent d’admiration, les autres, les plus sincères veulent se persuader qu’ils n’auront pas vécu en vain et que dans l’égoïsme généralisé des consciences, il s’en trouvera malgré tout quelques unes qui auront fait miel de ses mots, auxquelles ils auront — pour des raisons aléatoires — apporté quelque chose et qui, par moments, se souviendront encore de lui. Tout écrivain est idéaliste qui ne peut s’empêcher de croire à une forme virtuelle de survie. Aimez-moi… Au fond, je devrais peut-être me contenter de répéter obsessionnellement cette injonction. Tout le reste n’est que ruse et habillage. Aimez-moi… Aimez-moi… Aimez-moi… Aimez-moi…

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