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Ma vie ne regarde que moi
19 mars 2020

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Le grand inconvénient de mes mémoires, c’est de me tirer sans cesse en arrière. À quel moment de ma vie, mon autobiographie rend-elle compte de ma vie réelle ? Pas dans mon enfance car plus ou moins consciemment j’ai fantasmé sur elle, ne sachant plus vraiment ou était le réel et le souvenir du réel, l’exaltation du rêve et la médiocrité de la réalité. L’écriture change la vie, décider d’écrire change la vie car le monde devient alors un espace à la fois d’observation et d’invention qui vont se mêler intimement dans ce que sera peut-être un jour un texte.

Je me relis rarement car ce que j'écris aujourd'hui sera différent demain. D'autant que mon écriture ne s'appuie pas sur le squelette d'une fiction qui justifie ses moments. Je poursuis tranquillement mes souvenirs et mes rêves et, ceux-là, dépendent très étroitement du contexte dans lequel ils surgissent.

Le 23 juin 1941, je passais mon permis de conduire et de ce fait qui m’est soudain devenu évidence, ont émergé le costume pied de poule gris clair avec lequel ma mère me trouvait si beau, la journée ensoleillée, chaude, la longue avenue droite et poussiéreuse sur laquelle s’est déroulé cette épreuve, l’accident que j’ai évité — une jeune mère surgissant soudain, poussant un landau, d’entre deux camions garés sur ma droite — et qui m’a valu l’obtention immédiate de ce précieux document, l’autorisation de prendre la voiture familiale pour aller passer la soirée à la plage, de sorte que cette journée s’est comme reconstituée d’elle-même.

Ce matin je me suis réveillé avec une date en tête. Pourquoi ? Et surtout pourquoi cette date qui ne me rappelait rien: 23 juin 1941. J'avais alors 18 ans 5 mois et 23 jours, donc rien de remarquable. J'ai donc essayé de me souvenir. J'ai d'abord recherché dans l'Histoire, la guerre continuait comme d’habitude… Aucun intérêt. J'ai alors réalisé que de 1941, l'année de mes 19 ans, période pourtant remarquable, je ne me souvenais de rien puis je me suis dit que j'avais, cette année-là, passé le permis de conduire, (que j'étais étudiant à Montpellier, en lettres = faux) et, peu à peu, à partir de repères officiels, j'ai fini par faire émerger des souvenirs, une cohorte de souvenirs qui, lentement, s'organisaient.

Mon grand-père était un petit homme sec, toujours la cigarette (il roulait du tabac gris dont je revois les paquets cubiques et sens encore l’odeur forte) dans du papier de la marque riz-la) collée en permanence au coin gauche de ses lèvres, un béret basque noir toujours sur la tête.

Devenir adulte…

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