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Ma vie ne regarde que moi
13 août 2019

03

En 1919, sortant de la guerre, mon père, du moins c’est ainsi que je l’imagine et que j’explique ses comportements, devait avoir perdu à la fois toutes illusions et cet idéalisme innocent qui l’avaient poussé à s’engager dans la carrière de « hussard de la République ».

Enfant unique d’une famille très modeste de Carnaux — son père, que je n’ai pas vraiment connu, était vendeur dans une petite quincaillerie ; sa mère faisait à l’occasion quelques ménages et repassages —, il avait eu la chance d’être pris en main par un bourgeois idéaliste employeur de sa mère et par un de ses instituteurs, tous deux ayant décelé en lui ses capacités intellectuelles, l’avaient soutenu de façon différente dans ses études, convainquant ses parents qu’il pouvait préparer le concours d’entrée en sixième, l’aidant à préparer le concours d’entrée et lui faisant obtenir une bourse.

Persuadé par ces comportements philanthropiques qu’il devait, à son tour, aider les enfants qui viendraient après lui, il avait alors décidé de préparer le concours d’entrée à l’école normale primaire. De toutes façons, davantage, il ne fallait pas trop rêver… En 1911, il avait été reçu à l’école normale de Mende, préfecture du département de la Lozère.

Il est parfois plus facile d’inventer que de se souvenir… Parfois même plus exact. L’imaginaire est un refuge pour la mémoire et nommer une chose suffit souvent à en éprouver la sensation. N’exigez donc de ce récit ni la précision ni la véracité historique : je me souviens et, me souvenant, je transforme même si je m’efforce de m’appuyer sur les quelques documents que je possède.

Ainsi, d’après ma mère, d’après ses photos, mon père, dans sa jeunesse, était très beau. Grand, élancé, bien proportionné, il avait des traits réguliers, bien dessinés avec une certaine fermeté dans le visage ; de grands yeux noirs intelligents, limpides, vifs, lumineux. A cela s’ajoutait une gentillesse incontestée et une ouverture d’esprit qui faisait sentir à tous ses interlocuteurs qu’ils pouvaient, sans nulle gêne se confier à lui. Il savait écouter et, si nécessaire, ne rien répéter de ce qui lui avait été dit.

Manifestant une grande empathie, il considérait tout homme ou femme comme dignes de son intérêt. S’il savait, à l’occasion, faire preuve d’éloquence, il savait aussi rester simple et mettre ses paroles au niveau de n’importe lequel de ses interlocuteurs. Sa beauté, sa simplicité en faisaient un être presque universellement apprécié.

Le métier d’instituteur lui allait comme un gant.

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