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Ma vie ne regarde que moi
13 août 2019

02

J’écris peu et difficilement. Ne vous attendez pas à de longues pages. D’ailleurs je sais que personne ne s’attend plus à rien de ma part. Et pour le reste, parvenu à la dernière étape de ma vie, je n’ignore pas que les chemins de l’édition me sont fermés. Peu importe, bien qu’ayant été un temps, sous un pseudonyme que je ne rappellerai pas ici, un écrivain reconnu, un temps célèbre même… Bien que je n’ai jamais fait dans ma vie ce qu’il fallait pour cela.

Écrivant, je me suis trouvé une nouvelle compagne : la mémoire et passe désormais une grande part de mes jours à tenter de me rappeler des événements passés, à remuer les vieux papiers, les photos que ma famille a conservés dans ses greniers successifs et que, pour ma part, je me suis toujours refusé à jeter. Un univers occulté, oublié, dans sa revenue au jour force ainsi mon esprit à se rappeler, à croire se rappeler, à construire des souvenirs qui ne sont peut-être pas si authentiques que cela mais qui, pourtant, m’imposent leur évidence, forcent ma conscience à les prendre en charge.

J’avance dans un taillis d’images, de mots, de conversations qui refusent de me laisser en paix. Toujours à l’affût de la moindre parcelle de souvenir qui, à telle ou telle occasion, ressurgit, je suis devenu un chineur de ma propre mémoire.

Notre vie pousse sur les multiples couches d’humus déposé par les vies antérieures. Vie et mort me sont ainsi jumelles car je suis hanté par l’accumulation des morts que je ne vais pas tarder à rejoindre. Je me refuse pourtant à n’être que le gardien de leurs cimetières. Peut-être est-ce pour cela qu’il est temps, pour me situer face à eux, de  recenser mémoires et souvenirs.

Fin 1922, ma naissance dut beaucoup aux immondes boucheries de la Grande guerre.

Né en 1899, le 4 octobre comme me l’ont appris les documents de la famille, pas tout à fait 15 ans le 4 août 1914, reçu au concours des Écoles Normales, encore lycéen puis, assistant impuissant à l’avancée inexorable de son incorporation. 18 ans en 1917, à peine sorti de l’École, futur instituteur envoyé immédiatement au front comme élève officier, juste à la fin des mutineries : la jeunesse de mon père. Deux ans à jouer sa vie à la roulette. J’imagine. Cadavres autour de lui, massacres, charnier, blessures , souffrances, rage, impuissance.

Mon père, instituteur, élevé dans le culte de l’Homme, se destinant à former leurs enfants. Un an, deux mois et onze jours de chute dans le désespoir… Peut-être pire, le désarroi, la perte de repères. Il passa directement de l’enfance à l’âge adulte, peut-être même à la vieillesse.

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